En 1499 naissait à Paris Claude Garamont. Cet enfant devait devenir l’un des plus célèbres graveurs et fondeurs de France au XVIe siècle. On lui doit notamment la création d’une police de caractères : le garamond. Cette police s’écrit avec un « d » final en raison de son pseudonyme Garamondus. L’Imprimerie Nationale seule a le privilège d’orthographier ce caractère avec un « t » à la fin.
Fluidité, cohérence et élégance caractérisent le Garamond qui se remarque, entre autres, par le petit œil de son « e » ou la petite panse de son « a ». Ce caractère universel a été largement copié au fil du temps, mais il est parvenu jusqu’à nous et constitue un véritable mythe typographique. La Bibliothèque de la Pléiade est imprimée en « Garamond du roi« . Et Filière Livre vous l’a déjà annoncé voici quelques jours : pour le 450e anniversaire de la mort de Claude Garamont (1561), Livres-hebdo, la référence professionnelle du livre, sort cette semaine un numéro intégralement composé en Garamond. Les connaisseurs apprécieront ce geste à la fois esthétique et professionnel.
J’en profite pour dire combien l’ignorance de la typographie sur le web me désole. Sans doute la presse écrite a-t-elle donné souvent le « la ». Mais, internaute depuis environ quinze ans, j’ai l’impression de voyager dans un monde incohérent et barbare privé de ces codes et lois qui ont donné leurs lettres de noblesse à la bibliophilie. Vers le début des années 1980, le développement impétueux de la micro-informatique et l’arrivée sur le marché des logiciels dits de publication assistée par ordinateur (PAO) ont permis l’accès de tous à la composition des textes. Et tous n’avaient pas été formés à la rigueur typographique des mises en page ni à celle du code régissant les règles de composition. Qui se soucie aujourd’hui sur le net d’abréger correctement, d’écrire les nombres comme il se doit, etc. ? Sans oublier la colonisation du web par la langue américaine ignorant toute accentuation… Moi-même, je finis par y perdre mon latin et oublier les automatismes acquis professionnellement dans la presse écrite ! Heureusement, au royaume des aveugles les borgnes restent rois.
C’est bien dommage. La typographie est un raffinement transmis par le regard à l’esprit. Sa méconnaissance, voire son ignorance, prive donc celui-ci qui lit d’un bien-être essentiel à la lecture.