Novella récemment nominée aux prix Hugo et Nebula, Deus in Machina agit comme un coup de fouet sur vos neurones, tout en demeurant un excellent divertissement.
• par Denis Roditi
Capitaine de vaisseau, Ean Tephe est aussi un converti. Son Dieu règne sur l’univers, après avoir soumis ses rivaux – surnommés les « avilis ». L’un d’eux, une ignoble créature anthropomorphe et sardonique, gît enchaînée dans une chambre confinée du Vertueux, le vaisseau de Tephe. Mais, en dépit des scènes de torture, un dialogue commence à s’instaurer entre le prisonnier et le bourreau… au point que celui-ci en vient à douter de sa foi.
Ce court roman débute avec le genre d’accroches provocatrices prisées par les fans de science-fiction : « L’heure était venue de fouetter le dieu ». Loin de trahir les promesses de cette percutante entrée en matière, l’auteur taille au scalpel un récit de science-fantasy très noir, entre fable et roman d’action. Si la religion a rarement été dans les bonnes grâces des auteurs de SF – on pense à des chefs d’œuvre comme Un cantique pour Leibowitz (Walter M. Miller) ou Pavane (Keith Roberts) –, John Scalzi exploite le filon d’une manière particulièrement brillante et audacieuse.
À commencer par la vision – très païenne – des dieux. Exprimant leur pouvoir de séduction à travers les Talents, des médailles « magiques », ils se livrent une guerre sans merci pour asservir l’humanité. Chargé de convertir une population autochtone, Tephe découvrira l’horreur de ce prosélytisme qui s’apparente à un génocide… En 140 pages serrées, John Scalzi bâtit un monde à la fois baigné dans la spiritualité et d’une froideur métallique, proche de l’imagerie sadomasochiste. Nourrie d’une réflexion ambitieuse, cette novella a peut-être pour limites son format, qui interdit au sujet de prendre une ampleur digne de son originalité. Ce qui n’empêche pas le lecteur de ressortir secoué de ce voyage… à mi-chemin entre la jubilation d’avoir plongé dans un univers si intense et la frustration d’avoir été victime d’un fort habile Deus ex machina.
Lire la suite : http://www.nabbu.com/chronique/deus-machina,235.html?PHPSESSID=begku4to469iep9enib6kgl4u5