02/06/2011. Lyon ?.
- Le Bal des Ardents (Lyon, rue Neuve).
Avec son long manteau, son écharpe, sa pipe et ses mitaines en intérieur, ma première impression se résume à « merde, encore un pseudo-philosophe qui s’est trompé de décennie ». Pourtant lorsque que Francis Chaput, libraire, me donne sa main en pince de crabe en guise de bonjour, il me persuade instantanément que c’est un vrai.
Authentique, comme la librairie qu’il tient. Il a fondé le Bal des Ardents en 2003, 205 m² en plein coeur de Lyon. On est censé parler de librairie indépendante, il pose d’abord les bases du monde du Livre : « La marge pour une bière, un café, c’est un coefficient 6, soit 6 fois le prix de revient. Pour un vêtement, c’est au moins 4 ou 5. Pour un livre neuf, la marge est au maximum à 1,4, soit 40%. » Un livre est édité par un éditeur, distribué par un distributeur et vendu en librairie, kiosque ou grande surface.
Le terme de librairie indépendante est galvaudé : « aujourd’hui, la plupart des librairies sont obligées de faire de la nouveauté et les nouveautés sont tributaires des coups médiatiques et marketing. Comme vous savez que tout appartient à peu près aux mêmes – les journaux, les chaînes de télé, les stations radio, les boîtes d’édition – les librairies qui travaillent ainsi ne sont pas vraiment indépendantes. » D’où son refus de limiter la définition de la librairie indépendante à « qui n’appartient pas à un grand groupe ».
Le trust sur l’édition
Pendant longtemps, l’édition française s’est contentée d’un partage qui tenait tant bien que mal : un tiers était contrôlé par des maisons indépendantes et les deux tiers restants par deux grands groupes, Hachette et Vivendi. Vivendi Universal Publishing représentait 2,5 milliards d’euros et lorsque l’empire Messier fait faillite en 2002, il faut refiler le bébé qui pèse trois fois plus que le concurrent direct Hachette Livre. Patriotisme culturel et économique oblige, le président Chirac veut un repreneur français. Il jette son dévolu sur un proche de longue date, Jean-Luc Lagardère, qui n’est autre que le propriétaire de Hachette Livre. Lorsqu’a lieu la fusion, l’édition française se trouve dans une situation monopolistique sans précédent, et la distribution est à 65% contrôlée par le nouveau groupe.