L’Occupation continue de perturber la sérénité des historiens. Les Français ont-ils un peu ou beaucoup collaboré ? Un peu ou beaucoup résisté ? Aux divergences entre spécialistes s’ajoutent les écrans de fumée produits par les romans et les films qui ont aiguisé les tensions d’une mémoire de plus en plus reconstruite.
Le Chagrin et le Venin. La France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues
par Pierre Laborie
Fayard
© Boris Séméniako pour Books
Pierre Laborie se sert du film Le Chagrin et la Pitié (1971) pour explorer plus largement la relation qu’entretient la France avec son passé récent. Son argument est complexe. Il s’appuie sur les recherches de toute une vie et expose certains de ses points de vue les plus intéressants dans les notes, abondantes, plutôt que dans le corps du texte. Pour résumer, il s’en prend à ce qu’il appelle la « vulgate » contemporaine. Selon celle-ci, au cours des vingt années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les Français ont conservé une perception exagérée de l’ampleur de la Résistance ; après quoi, au début des années 1970, leurs illusions ont volé en éclats. Ceci dans la foulée d’une série de livres et de films, dont Le Chagrin et la Pitié est l’exemple le plus notable, montrant que la Résistance n’avait mobilisé qu’une frange réduite de la population, tandis que la majorité des Français s’accommodait de l’Occupation.
D’après Laborie, cette vulgate est trompeuse à deux égards. Pour commencer, il n’y a jamais eu en France de « mythe de la Résistance », aucun du moins qui ait fait l’objet d’une adhésion globale. Dès la fin des années 1940, des journalistes et hommes politiques de droite – comme l’abbé Desgranges et René Malliavin (1) – s’en sont pris au « r (…)
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