Bien plus qu’un simple breuvage, le thé, longtemps pourvu de vertus thérapeutiques, se présente comme un art de vivre. En témoignent toutes les traditions qui, de l’Asie (où il est né) au Nouveau Monde (où il a suivi tous les migrants de la terre) ont fait de la cérémonie du thé un moment privilégié, une respiration, une pause de tranquillité et d’harmonie dans la course éperdue de nos vies.
Trois ouvrages nous dévoilent les mystères de cette «écume de jade liquide», comme le nomme si joliment Lou Yu, un poète chinois du VIIIe siècle.
Celui de Franck Armand, La cérémonie du thé, un art de la relation(éd. Jean-Cyrille Godefroy, 122 p, 15 €) détaille les différentes étapes de ce rituel japonais quasi-religieux, où rien n’est laissé au hasard. Le maître de thé joue un rôle primordial. Il se doit de tout préparer à l’avance de façon à ce que rien ne vienne troubler le bon déroulement de la cérémonie. La décoration de la pièce (une calligraphie pour le côté spirituel et philosophique et des fleurs qui symbolisent la vie) ainsi que les objets (pots à thé, bols) sont choisis en fonction de la saison. Pour être très codifié, le cérémonial n’en est pas moins un retour au naturel et à la simplicité, comme l’attestent la lenteur et la précision des gestes.
Deux concepts essentiels prévalent dans cette célébration: le wabi(esthétique du dépouillement et de la sobriété) et le sabi qui exprime le travail du temps, soulignant ainsi l’impermanence de toute chose, qui conduit à goûter pleinement l’instant présent. Quatre principes importants régissent également la voie du sado (voie du thé): le wa(harmonie), le kei (respect), le sei (pureté) et le jaku (sérénité), qui ont pour but de nous amener à intérioriser cette notion si importante dans le bouddhisme zen: la perception du vivant dans son idéal.
Avec le Teabox : rituels et musiques du monde autour du théde Lydia Gautier (35 €), les éditions de La Martinière ont lancé une idée originale: réunir dans un coffret cadeau dix fascicules expliquant les différentes célébrations de dégustation du thé à travers le monde, un CD de musique pour l’illustration sonore et quatre petits verres à thé. Les petits carnets, consacrés chacun à un pays, se déplient en accordéon et fourmillent de détails spécifiques à chaque pays: comment préparer et savourer les différentes moutures, leur histoire dans la région, les accompagnements sucrés et salés et, sublime raffinement, pendant que nous dégustons la divine boisson, la musique nous transporte dans le pays choisi. En dix étapes (Chine, Taïwan, Japon, Russie, Royaume-Uni, Inde, Maroc, Mali, Brésil, Etats-Unis), nous appareillons pour un tour du monde des saveurs.
C’est pédagogique (les explications sont à la fois claires et bien documentées), gai et ludique: que du bonheur.
Enfin, un grand classique toujours d’actualité (il a été écrit au début du siècle dernier), le livre de Kakuzô Okakura (Le Livre du thé, éd. Philippe Picquier, 170 p, 6 €) est une réflexion profonde sur ce qui différencie l’Occident et l’Asie (en général) et le Japon (en particulier) dans leur conception du monde. A travers toute la symbolique du cha-no-yu (la voie du thé), l’auteur dresse un hymne grandiose à l’harmonie, à l’art, à la vie:
«L’art, pour être apprécié dans sa plénitude, doit s’harmoniser avec la vie présente. [...] Sous la caresse magique du beau s’éveillent les cordes secrètes de notre être; en réponse à son appel, nous vibrons et frémissons. Nous écoutons l’indicible, nous contemplons l’invisible. [...] Des souvenirs longtemps enfouis reviennent en mémoire, emplis d’un sens nouveau. [...] Le Changement est la seule Eternité.»
Tout est dit.
Bernadette Atlan
Source : http://livres-et-voyages.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/05/03/l-art-delicat-du-the.html