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Le livre du jour – Le garçon qui voulait dormir, de Aharon Appelfeld

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Aharon Appelfeld : le roman de l’éveil

04/05/2011

Puisant à nouveau dans ses souvenirs de rescapé de l’Holocauste, l’Israélien Aharon Appelfeld raconte l’histoire du Garçon qui voulait dormir. Celle d’un adolescent orphelin qui va se « métamorphoser » pour rejoindre la Terre d’Israëltout en préservant, en rêve, le lien qui l’unit à ses racines.

 

Lorsqu’il ouvre les yeux sur Naples, parmi des réfugiés qui ont porté et nourri son corps endormi durant des mois, Erwin est désorienté. « Depuis la guerre, j’avais du mal à être en compagnie des hommes. Le sommeil était mon état naturel ». Dans la foule, Erwin croit reconnaître ses proches mais doit bien se rendre à l’évidence : il est seul au monde. Alors il rejoint un groupe de garçons enrôlés par Efraïm au nom de l’Agence Juive. Son but : extirper ces jeunes survivants de la Shoah des griffes du passé pour les former à leur vie future en Terre d’Israël. Les « façonner » à force d’exercices physiques et linguistiques. Car outre le travail manuel et le maniement des armes, ses élèves doivent apprendre l’hébreu, sans livres, par cœur. « La méthode d’Efraïm consistait à nous imprégner de la langue en passant par le corps ». Rapidement, les adolescents doivent se débarrasser de leur langue maternelle, comme on se dévêt de ses vieux habits pour en revêtir de nouveaux. « L’hébreu était une langue musclée qui ne supportait ni faiblesse ni atermoiements. Chaque mot hébreu renforçait le corps ». Certains résistent. Marc, un garçon introverti, préférera se suicider. Erwin, quant à lui, craint d’oublier les siens. « Peu à peu, sans nous en apercevoir, nous étions en train de nous séparer de tout ce qui était en nous : le ghetto, les cachettes, les forêts ». Mais il se plie aux règles, accepte même de prendre le prénom d’Aharon.

 

Pour se retrouver, Erwin – « le garçon du sommeil » - s’échappe dans ses rêves. C’est là qu’il converse avec ses parents : son père, dont les écrits sont refusés par tous les éditeurs, et sa tendre mère qui lui promet qu’ils seront toujours ensemble. Cette « contemplation intérieure était une manière de puiser dans mon âme des scènes qui avaient sombré depuis des années et qui miraculeusement, en remontant à la surface, réapparaissaient intactes ». Au bout de six mois d’entraînement en Italie, Erwin et ses compagnons embarquent pour la Palestineoù ils sont brièvement internés dans le camp d’Atlit avant d’être libérés. Son groupe rejoint alors la plantation de Misgav Yitzhak, dans les montagnes de Judée, pour y travailler, étudier et parfaire son savoir militaire. Mais alors qu’Arabes et Juifs se disputent le territoire, les forces vives sont envoyées au front. Erwin est grièvement blessé aux jambes. Commencent alors de longs mois d’hospitalisation, ponctués d’opérations, qu’il occupera à s’approprier l’hébreu et à s’imaginer en écrivain. Des mois à espérer « marcher dans le monde des vivants » vers un avenir arraché au chaos, forgé à la force d’exercice et de camaraderie.

 

A sa manière, pointilliste, vive, sensible mais pudique, Aharon Appelfeld évoque les premières heures de la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’une partie des rescapés juifs choisit de gagner la terre promise, le futur Etat d’Israël. Car s’il est difficile pour la jeunesse de s’ouvrir à « une nouvelle vie, intense et contraignante », le chemin est plus douloureux encore pour les aînés. Pour ces réfugiés que – dans l’urgence de la renaissance – l’on traite comme des « déracinés », des « êtres infirmes, têtus, refusant de changer, se complaisant dans leur malheur infini, parlant une langue dont le lexique se résumait aux mots «peine», «mélancolie», «douleurs inguérissable», et se cachant derrière le rire désagréable de ceux qui avaient survécu et s’en réjouissaient ».

 

De son côté, au gré des souvenirs heureux qui affluent, le jeune Erwin apprend à se reconstruire dans la continuité, dans la filiation. Malgré les bouleversements que sa transformation lui impose. «J’ai l’impression que cette langue dont je ne connais que la couche supérieure, l’hébreu moderne, va me relier à tout ce que j’ai emporté avec moi.» A travers lui, Aharon Appelfeld distille des éléments de sa propre histoire, de ses influences littéraires à son propre apprentissage d’une langue qui deviendra la clé de son œuvre d’écrivain, la voie de son éveil.

 

Thomas Flamerion

Source : http://www.myboox.fr/actualite/aharon-appelfeld-le-roman-de-l-eveil-6871.html

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