Geoffroy Tory, Champ Fleury…, Paris, Geoffroy Tory, Gilles de Gourmont, 1529.
Avouons-le, nous étions restés quelque peu sur notre faim en visitant l’exposition «France 1500, entre Moyen Âge et Renaissance» (Paris, Grand-Palais, 6 oct. 2010-10 janv. 2011), non pas à cause du choix des œuvres (souvent magnifiques), mais bien parce que caractériser les années 1500 comme le temps intermédiaire entre le Moyen Âge et la Renaissance relève quelque peu de l’art d’enfoncer des portes ouvertes, et parce que les travaux récents d’histoire du livre sur cette période cruciale étaient restés complètement ignorés des organisateurs. Il n’en va nullement de même, bien au contraire, avec l’exposition aujourd’hui consacrée par le Musée national de la Renaissance à Écouen à la figure de Geoffroy Tory (6 avril-4 juil. 2011).
Le choix d’une présentation particulièrement attrayante mise à disposition sur Internet enrichit grandement la visite, et même la rend possible pour ceux qui n’auraient pas la possibilité de visiter Écouen. Et il faudra, un jour, dire tout le bien que nous pensons des expositions virtuelles, du moins quand elles sont bien conçues.
Mais revenons au Champfleury. La langue vernaculaire s’est certes imposée en France au début du XVIe siècle, par le biais de la cour et de l’administration, mais le débat reste ouvert entre humanistes et écrivains, et le travail s’engage, pour enrichir le français et lui faire acquérir le statut de langue de culture jusqu’alors réservé au latin. Lorsqu’en 1529, Geoffroy Tory publie son Champ Fleury, il organise son propos en trois parties, dont la première veut « mettre et ordonner la langue françoise par certaine règle de parler élégamment en bon et plus sain langage françois ». Dans une veine quelque peu rabelaisienne, l’auteur attaque ceux qui corrompent et déforment le français, les « escumeurs de latin », les « plaisanteurs » et les « jargonneurs », puis les « forgeurs de mots » et les « innovateurs ». Il convient de mettre la langue en « règle » pour que les « ditz et parolles soient saines et recevables en toute raison et tout honneur », et pour encadrer l’évolution. Tory explique qu’il aurait pu rédiger son traité en latin, mais que
«volant quelque peu décorer nostre langue françoise, & afin que avec gens de bonnes lettres le peuple commun en puisse user, j’en veulx escrire en françois. Je suis seur que tantost surviendra quelque détracteur & ennuyeulx qui dira que je veulx faire du nouvel autheur (…). Donques j’escripvray en françois selon mon petit stile & langage maternel (…). Je sembleray cy par avanture estre nouvel homme pour ce qu’on n’a point encore veu enseigner par escript en langage françois la façon & qualité des lettres, mais désirant enluminer aucunement nostre langue, je suis content estre le premier petit indice à exciter quelque noble esperit qui se évertura davantage, comme firent les Grecs jadis & les Romains, mettre & ordonner la langue françoise à certaine reigle de pronuncer & bien parler (…). J’allègue icy poètes & orateurs latins pour monstrer qu’avons ung don de grâce en nostre beau langage françois».
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