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À la redécouverte de Vauvenargues

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par Gérard Bras [31-03-2011]

Domaine : Philosophie

Mots-clés : métaphysique | spinozisme | morale

 

Laurent Bove dresse un portrait vigoureux et ardent d’un philosophe peu fréquenté, Vauvenargues, qui réussit selon lui une belle synthèse entre les pensées de Spinoza et de Pascal : le philosophe aixois serait ainsi parvenu à concilier deux conceptions antithétiques du désir, tout à la fois manque (Pascal) et puissance (Spinoza)


 

 

Recensé : Laurent Bove, Vauvenargues ou le séditieux. Entre Pascal et Spinoza, une philosophie pour la seconde nature. Honoré Champion, Paris 2010, 328 p., 65 €.

À la redécouverte de Vauvenargues dans Lu pour vous 20110331_vauvenargues-f10c1Qui, aujourd’hui, connaît Vauvenargues ? Le nom, sans doute, que la mémoire du promeneur de la montagne Sainte-Victoire aura fixé avec le souvenir de la dernière demeure de Picasso. Mais l’auteur ? Qui le lit ? Pas grand monde, il faut bien le reconnaître. Qui l’a lu ? Voltaire certainement, qui a annoté la première édition de l’Introduction à la connaissance de l’esprit humain, sans en saisir toute la dimension subversive. Laurent Bove prévient : « La pensée authentique de Vauvenargues est très peu connue. Elle ne joue aucun rôle dans l’histoire de la philosophie et un rôle mineur dans l’histoire de la littérature. » (p. 15). À considérer la série des contresens de ses éditeurs et commentateurs successifs, on se met à penser qu’il eût été préférable que personne ne l’ait lu. Pourtant le titre du livre que Laurent Bove lui consacre, après plusieurs années de recherche, ainsi que ses deux sous-titres, nous en avertissent : un tel regret serait un nouveau contresens. Comment regretter ce qui est le produit d’une histoire tout entière déterminée de façon nécessaire, quand elle advient à un texte qui fait profession de nécessitarisme ? La longue introduction expose la généalogie des lectures d’une œuvre cryptée par son auteur lui-même au point de tromper le jésuite des Mémoires de Trévoux qui trouve qu’il « honore partout la religion et la vertu » (cité p. 36). Repris dans l’Encyclopédie, sans mention de nom d’auteur, certains de ses propos furent frappés par la censure. Et Vauvenargues restera, jusqu’à une date très récente, à l’exception d’un commentateur du début du XIXe, Prévost-Paradol, qui comprend la filiation spinoziste de sa pensée, un moraliste un peu superficiel, penseur de l’action. La découverte et la publication au XIXe siècle de manuscrits inédits furent l’occasion, pour son éditeur, Gilbert, de le présenter comme un penseur jeune et incohérent, balançant entre nécessité et liberté. La lecture contemporaine d’un auteur à découvrir [1] a pour enjeu la compréhension du caractère imaginaire de cette contradiction, laquelle est au principe du système spinoziste.

Généalogie d’un contresens

Pourquoi une telle méprise ? Par la volonté de Vauvenargues lui-même, certainement. Mais si l’on « nie que la volonté soit jamais le premier principe », que l’on soutient qu’elle est « au contraire, le dernier ressort de l’âme, (…) l’aiguille qui marque les heures sur une pendule et qui la pousse à sonner » [2], quels ressorts ont déterminé le philosophe aixois à un tel jeu de cryptage, payé du prix d’une si mauvaise renommée ? Le mérite du travail de Laurent Bove est double : établir, par la fréquentation des manuscrits le fait du cryptage et en rendre raison par l’intelligence du contexte de l’œuvre et de sa réception. L’axe de lecture que les textes posthumes rendent possible, singulièrement le Traité sur le libre arbitre, fait apparaître la position philosophique de Vauvenargues : elle compte parmi celles qui sont qualifiées de « spinozistes » au XVIIIe siècle. C’est ce qualificatif, pris dans son contexte, qui rend raison de la stratégie éditoriale de l’auteur, pour autant qu’il désigne non pas une école ou la pensée de Spinoza, mais toute pensée, revendiquée ou combattue, mettant en cause les fondements moraux et religieux de l’ordre établi. Figure que retient Vauvenargues, dans sa seule référence explicite au philosophe hollandais [3]. Le rapport de notre moraliste avec l’auteur de l’Ethique est-il direct ? Sans doute pas, mais il passe très probablement par Boulainvilliers, auteur de la Réfutation des erreurs de Benoît de Spinosa qui est son Essay de métaphysique, auteur aussi d’une œuvre historienne et politique, aux accents machiavéliens patents, que le philosophe aixois a lue. Il n’en reste pas moins vrai que, en cette première moitié du XVIIIe siècle, la thèse nécessitariste ne peut avancer que masquée, si elle veut franchir la barrière de la censure. C’est ce qui explique la stratégie du jeune philosophe qui livre un texte coupé d’une introduction, révélée plus tard par les manuscrits, et qui devait exposer le fondement ontologique des écrits moraux. Stratégie trop bien réussie en quelque sorte. Il faut la décision philosophique de Laurent Bove pour rendre ces textes cohérents et les articuler en une problématique féconde qui permet de les lire effectivement, c’est-à-dire d’en faire apparaître le sens réel en restituant les articulations et les fondements sans lesquels il se perd.

Lire la suite : http://www.laviedesidees.fr/spip.php?page=print&id_article=1434

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