Par Frédéric Barbier
L’histoire de la lecture a constitué l’un des points forts des travaux d’histoire du livre conduits en Occident depuis plusieurs décennies, et cette approche a incontestablement permis des avancées scientifiques spectaculaires. La tradition française de la «nouvelle histoire du livre» fondée avec L’Apparition du livre en 1958 se concentrait plutôt sur les acteurs de la branche de la «librairie», les imprimeurs, les éditeurs et les libraires, puis les auteurs et leur public.
L’élargissement épistémologique que marquent notamment les travaux de Michel de Certeau sur L’Invention du quotidien introduisent la problématique anthropologique comme un des pôles de l’interrogation. Il existe évidemment des déterminants larges (par ex., le niveau technique, les équilibres économiques, les catégories sociales, etc.), mais ceux-ci ne sont jamais absolument… déterminants: on dira plutôt qu’ils tracent un horizon de possibles, à l’intérieur duquel chacun invente ou réinvente, quotidiennement, des «arts de faire» qui sont autant de formes de liberté et, le cas échéant, de dépassement.
Parmi, ces «arts de faire», la lecture en tant que pratique a tout naturellement retenu au premier chef l’attention des historiens du livre. Deux observation principales en ont structuré la réflexion: d’une part, c’est l’opposition classique entre une lecture silencieuse et une lecture orale (ou murmurée), laquelle serait longtemps restée majoritaire. On saint que, lorsque saint Augustin rend visite à saint Ambroise de Milan, il s’étonne de la manière dont ce dernier lit :
« Quand [Ambroise] lisait, ses yeux parcouraient la page et son cœur examinait la signification, mais sa voix restait muette et sa langue immobile. (…) Souvent lorsque nous venions lui rendre visite, nous le trouvions occupé à lire ainsi en silence, car il ne lisait jamais à haute voix » (on remarquera au passage l’allusion à la problématique du sens du texte).
Cette distinction de la lecture orale et de la lecture silencieuse appellerait un certain nombre d’observations, mais nous voulons aujourd’hui nous arrêter plutôt sur le second modèle, celui qui oppose lecture intensive (la lecture et la relecture in extenso des mêmes textes) et lecture extensive. Cette dernière désigne une lecture constamment renouvelée, ou encore une lecture de consultation.
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