L’écrivain auto-édité Marc-Édouard Nabe en lice pour le prix Renaudot, un coup de tonnerre dans le milieu de l’édition mais aussi une victoire pour l’un des auteurs les plus détestés de sa génération.
Par Pierre Ancery
Marc-Édouard Nabe doit jubiler. L’auteur du roman L’Homme qui arrêta d’écrire, paru en janvier, vient de rejoindre la deuxième et avant-dernière sélection du prestigieux prix Renaudot, aux côtés de la superstar Michel Houellebecq. Un choix inattendu à plus d’un titre. C’est la première fois dans l’histoire des prix littéraires qu’un livre auto-édité –ou «anti-édité», selon sa propre expression– figure parmi les nominés.
En effet, pour se procurer L’Homme qui arrêta d’écrire, inutile de chercher dans les rayons de la Fnac: ce pavé de presque 700 pages n’est disponible que sur le site Internet de l’auteur et dans quelques commerces parisiens (boucherie, fleuriste, bars-restaurants…). Pour Marc-Édouard Nabe, l’«anti-édition» est un moyen de s’affranchir de ce qu’il appelle «les parasites»: éditeurs, distributeurs et libraires. Et de récolter au passage 70 % du prix de vente de son ouvrage, au lieu des 10 % de droits d’auteur auxquels il avait droit auparavant. Une démarche très «do it yourself» qui vient parachever une entreprise de subversion du circuit littéraire déjà entamée en 2006, alors qu’il venait d’être remercié par les éditions du Rocher. L’écrivain s’était alors illustré avec une série de textes polémiques qu’il avait distribués sous forme de tracts et fait placarder sur les murs de la capitale.
Provoc’ sur le plateau de Pivot
En faisant entrer Nabe dans la compétition, le jury présidé par Franz-Olivier Giesbert a bien sûr voulu faire un coup médiatique. On imagine en effet le séisme dans le milieu littéraire si le roman vainqueur s’avérait introuvable en librairie… Sans compter la réaction furieuse des grosses maisons d’édition (Gallimard, Flammarion, Le Seuil…) habituées à se disputer entre elles ce genre de prix.
Pourtant, si le choix d’un livre auto-édité paraît surprenant, celui d’avoir sélectionné Marc-Édouard Nabe l’est davantage. L’homme est un cas à part dans la littérature française contemporaine. Il accède à la notoriété à l’âge de 27 ans avec son premier ouvrage, le pamphlet Au régal des vermines (1985). La même année, son passage mouvementé à l’émission Apostrophes le classe immédiatement parmi les écrivains infréquentables. Devant un Bernard Pivot médusé, le frêle jeune homme, vêtu comme dans les années 40, se met à éructer sa haine de tous les écrivains contemporains et son amour de la littérature «véritable», celle de Céline, Lucien Rebatet et Léon Bloy.
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