Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants
Mathias Enard
Genre : Romans et nouvelles – français
Actes Sud, Arles, France
17.00 €
ISBN : 978-2-7427-9362-4
GENCOD : 9782742793624
Sortie le : 18/08/2010
Choix de Christine Galaverna de la librairie Le marque page à Saint- Marcellin (38)
Constantinople, 1506. En froid avec le pape Jules II, Michel-Ange répond à l’appel du sultan Bajazet. Il doit dessiner un pont reliant les deux rives du Bosphore. Il doit faire mieux que Léonard. Mathias Enard nous dresse le portrait d’un Michel-Ange tiraillé entre sa peur des grands et son ambition démesurée. Il nous montre un Michel-Ange abordant le monde ottoman avec réticence, ne s’aventurant presque pas à l’extérieur, travaillant à reculons, refusant d’explorer les merveilles de la ville. Puis, peu à peu, Michel-Ange se déride, écoute, sent, respire, lui qui n’est pas très à l’écoute de ses sens. Il se laisse envahir par la sensuelle ambiguïté de ce monde qui lui est profondément étranger. Il se laisse troubler par cette danseuse qui est peut-être un danseur, par ce guide qui se voudrait son ami et peut-être plus.
Mathias Enard s’est nourri des documents historiques sur ce bref passage de Michel-Ange à Constantinople. Mais comme les documents ne disent pas tout, le romancier a comblé les trous. Et il les a comblés avec bonheur de poésie, de chair, d’histoires dignes des Mille et une nuits. Il a répondu parfaitement à son exergue : « Puisque ce sont des enfants, parle-leur de batailles et de rois, de chevaux, de diables, d’éléphants et d’anges, mais n’omets pas de leur parler d’amour et de choses semblables. » Mathias nous raconte ici magnifiquement une très belle histoire dont le titre est à lui seul une formidable invitation au voyage.
Choix de Sylvia Peirone de la librairie Au coin des mots passants à Gap (05)
Après Zone, Mathias Enard nous surprend de nouveau avec un style différend, un court roman ciselé. On retrouve son thème de prédilection et l’on se délecte d’imaginer Michel Ange payé par le sultan de Bajazet pour construire le pont sur la corne d’or, là où De Vinci avait échoué et où finalement toutes les civilisations jusqu’à aujourd’hui n’ont pas réussi à réunir les splendeur de l’Orient et l’Occident. Une écriture maîtrisée, l’ambiance est parfaitement restituée, un tour de maître…
Choix de Olivier Schittenhelm de la librairie L’escale littéraire à Paris (75)
Voici un véritable bonheur de lecture. Un livre à ne pas manquer en cette rentrée 2010. Après « Zone », prix décembre 2008 et prix Inter 2009, Mathias Énard change totalement de registre avec « Parle leur de batailles, de rois et d’éléphants ». L’auteur s’est passionné pour un passage particulièrement intéressant de la vie de Michel Ange. 13 mai 1506, le sculpteur débarque à Constantinople, invité par le sultan qui lui confie la création d’un pont sur la Corne d’Or, projet qui vient d’être retiré à son aîné et rival Leonardo da Vinci. A Rome, il a abandonné le tombeau commandé par le pape Jules II, qui de toute façon refuse de le payer. L’Italien de la Renaissance va rencontrer l’Orient, les beautés et les dangers de Constantinople. Après son David et bien avant la chapelle Sixtine, la Turquie et son peuple vont marquer l’artiste à jamais.
Dans le récit de Mathias Énard, tout est beauté. Chaque mot est choisi avec parcimonie. Ses phrases, d’une grande poésie, nous font sentir les odeurs, font apparaître les lumières, décrivent la beauté des corps féminins et masculins, souvent androgynes, qui troublent Michel Ange. L’auteur nous entraîne avec lui dans cet étrange voyage à travers Constantinople et ses palais, mais aussi ses faubourgs qui recèlent mille dangers, mille tentations. C’est le Michel Ange intime qu’il dépeint ici, artiste jusqu’au bout des ongles. Tellement artiste qu’il va aimer des corps plus pour leur beauté que pour les plaisirs de la chair. Il s’agit du Michel Ange connu, rendu célèbre par son David, mais encore pauvre et à quelques années de son apogée.
Tout est parfait dans ce roman : l’histoire est passionnante, presque envoûtante. L’écriture est magnifique, oscillant entre récit et poésie.
Choix de Nathalie Macia de la librairie Grangier à Dijon (21)
Il est des chapelets que l’on égraine comme des phrases qui nous bouleversent. Le rythme, le silence et la pause sont autant de mélodies intérieures amplis de silence. L’écriture de Mathias Enard est ainsi. Une approche de l’Être Là dans son temps spectateur, jouisseur… Voluptueuse. Les sons, les couleurs, les courbes font de notre corps une chair en osmose avec le poète, le créateur de sensualité caressante.
Michel Ange est loin de tout cliché rapporté par l’Occident. Il est cet artiste en quête continue de l’Idéal. Tout est prétexte. Tout est dissection et recherche.
Et puis dans cet Orient, à Constantinople des mille et une tentations, va apparaître ce qui doit être : un pont. Il devra allier et relier l’Orient à l’Occident, le ciel à la terre. La force du Sultan à l’élévation de l’artiste créateur.