Fugue
Anne Delaflotte Mehdevi
Gaïa
Genre : Romans et nouvelles – français
Prix : 21 €
Sortie le : 01/09/2010
Choix de Max Buvry de la librairie Vaux livres à Vaux-le-Penil
Clothilde et Vincent vivent dans un petit village de Bourgogne avec leurs quatre enfants et Beau le montagne des Pyrénées. Le jour de la rentrée scolaire, elle est seule avec Beau et écoute la musique qu’elle adore. Pourtant la vie de Clothilde bascule après le coup de téléphone qui retentit : la maîtresse de l’école la prévient que Madeleine s’est échappée par une fenêtre de l’école et a fugué. Clothilde est terrorisée et part à sa recherche, crie, hurle le prénom de sa fille et sa détresse. Aidée de Beau, elle retrouve rapidement la petite fille saine et sauve, mais perd sa voix (dysphonie spasmodique : «altération de la voix due à des spasmes des muscles du larynx»). «Fugue» raconte comment Clothilde va appréhender cette situation singulière dans sa vie et adapter sa communication avec ses proches. Situation d’autant plus atypique, que, si elle ne peut parler, elle chante. Passionnée par la musique, elle en profite pour prendre des cours de chant et affirmer sa voix (m ais pas seulement). Affirmer sa voix, s’affirmer en tant qu’être humain et femme. Elle refuse les traitements médicaux qui remédierait à sa perte de parole et commence une nouvelle vie, devient une autre femme. Son entourage réagit diversement à ses choix, elle était mère et femme quasiment exclusivement au service des autres, elle devient en plus chanteuse lyrique et assouvit sa passion pour la musique. Un superbe, émouvant et réconfortant portrait de femme qui par la musique et le chant saura trouver le chemin qui mène au bonheur.
Choix de Nadège Badina de la librairie Birmann Majuscule à Thonon-les-Bains
Je chante, donc je suis.
Avec son deuxième roman, Anne Delaflotte Mehdevi transforme Bach en anti-dépresseur et la fugue en une retrouvaille – Une belle «ballade des gens heureux» !
Dans une petite bourgade de Bourgogne, c’est le premier jour de rentrée scolaire pour les jumeaux et le dernier pour Clothilde, leur maman. Pourtant, c’est Mathilde, sa deuxième qui s’enfuit de l’école. Clothilde hurle son nom le long de la rivière. Jusqu’à la retrouvée, évanouie mais saine et sauve. Jusqu’à en perdre sa voix. Refusant les traitements chimiques, se heurtant à l’incompréhension de son entourage familial et amical, elle opte alors pour sa passion : le chant. Car, si sa voix parlée reste atone ou essoufflée, sa voix chantée est puissante et belle.
Grâce à une construction romanesque pleine de finesse, Anne Delaflotte Mehdevi montre la progression inéluctable de la situation, à la fois désenchantée et pleine d’espoir. Elle plonge alors dans le quotidien de Clothilde, qui, tel une anamorphose qu’on ne comprend pas, se modifie et bouleverse celui des autres. Et, avec minutie, elle saisit ces moments fugaces où tout bascule. D’illusions en déceptions, de conflits en réconciliations, elle décrit des personnages, à l’omnipotence fragile et au caractère certes orgueilleux, mais toujours poignant. L’humanité qu’elle leur prête est telle qu’on ne peut que leur pardonner leurs erreurs. Et, au centre, se débat Clotilde, une perfectionniste capricieuse, mais surtout une faiseuse de liens malgré son mutisme. L’auteur a l’art d’entremêler judicieusement écriture, amours et musique créant ainsi, une atmosphère très sensuelle et sensitive. Car ce n’est pas une histoire qui se dit, mais se lit et se chante. Une histoire où les sens son t démultipliés. L’odorat synonyme de son amie, parfumeuse ; le touché symbole de sa relation maritale ; et l’ouïe emblème de l’univers de Clothilde. Petit bémol, l’auteur, férue de musique, sursoit un peu trop son récit de professionnalisme, l’alourdissant de termes empruntés au solfège. Mais, l’auteur semble si fascinée par le pouvoir de la musique à guider le coeur, que nous sommes presque enchantés de ces rares moments de «silences» imposés. Dans ce deuxième roman, elle nous montre surtout pourquoi la musique est importante, là où les mots sont indicibles ou inaudibles. Comme une partition porte le rythme et la mélodie d’une musique, la narration est sublimée par ses phrases vibrantes et sonores : le chant se fait porteur du sens de la vie, son roman celui de la vie de Clothilde. «Dans la musique il y a tout», la musique éveille, affûte, apaise et nourrit. Dans Fugue, il y a le renouveau de Clothilde grâce à la musique. Et, point d’orgue du roman, Anne Delaflotte Mehdevi ne donne pas à entendre seulement un refrain sur l’émancipation d’une femme, mais surtout la comptine de la libération d’une mère de famille qui devient mère, femme et chanteuse. Un livre émouvant et captivant, frais comme un triolet interrompant une blanche pointée.